André CANDAU, actionnaire innovant
« Réinventer le métier d’agriculteur, c’est aujourd’hui essentiel mais impossible à accomplir de façon isolée. Ce vaste sujet exige la fédération d’acteurs dynamiques»
André CANDAU, Agriculteur innovant
un des pionniers du projet AIR PUR Village d’Escoubès
Dès que l’on entre dans la salle à manger d’André, le regard est immédiatement intrigué par la vitrine au centre de la pièce, des dizaines de débris, petits bouts de cailloux, alignés, étiquetés. Voilà visiblement un acteur de la terre animé par l’adage soulignant l’importance de comprendre d’où l’on vient pour mieux comprendre où l’on va.
« Je suis passionné par l’histoire depuis ma jeunesse et j’adore chercher, remuer la terre, trouver dans mes champs les restes des premiers outils utilisés par l’homme dans le coin. Voici le silex d’une lance, là un éclat ayant servi de hache ou de couteau… Là-bas un vestige de poterie de l’âge de… .
« Je me suis installé à 20 ans associé avec mon père. La propriété était petite,18 hectares. Elle n’était viable qu’avec un élevage hors sol. Au départ des porcs, c’était la tradition sur le village. Depuis j’ai arrêté cet élevage pour développer le gavage des canards gras. Avec trois salariés, nous gavons plus de 2700 canards par bande, canards transformés dans une conserverie industrielle de la région »
Depuis des années, André se retrouvait confronté à un même problème qui ne cessait de s’envenimer, celui de l’épandage des lisiers. Qu’on évoque l’étroitesse des surfaces et le développement du bâti dans la commune aux portes de Pau ou encore les conflits d’usage entre rurbains et leurs voisins d’éleveurs ou encore les normes européennes…Voilà autant de réalités qui rendent la vie des exploitants difficile et hypothèquent non seulement le développement des exploitations mais aussi le simple maintien.
C’est là, qu’au début des années 2000, André décide avec d’autres éleveurs du canton, de se regrouper et de constituer une association qu’ils appelleront AIR PUR , c’est à dire Agriculteurs Innovants en Réflexion Pour un Usage Rural.
« C’est l’ADER qui nous a fait prendre conscience de nous rencontrer. Nous avions tous les mêmes problèmes d’environnement ou d’image, mais nous nous connaissions surtout entre agriculteurs d’un même secteur. Les uns étaient dans les vaches laitières, d’autres dans les porcs ou les volailles, moi-même dans les canards. L’organisation par filière est redoutablement efficace. Mais pour régler certains problèmes, comme le traitement des déchets sur un territoire, elle n’est pas du tout adaptée.
Dans la même foulée, l’ADER nous a fait aussi rencontrer des spécialistes nationaux sur les traitements de la biomasse et les énergies nouvelles. Des pistes commencent à se dessiner. L’ADEME et des responsables du Conseil Régional nous appuient et deviennent même partenaires. »
Dans un premier temps, Air Pur fait réaliser un audit environnemental chez chaque éleveur. L’urgence est de trouver des solutions et celle qui semble la mieux adaptée est collective. Il s’agit de collecter les effluents d’élevage dans un rayon de 15 kilomètres et de les traiter par méthanisation. Le méthane permettra d’alimenter des moteurs qui eux-mêmes actionnent une génératrice électrique pour produire de l’énergie vendue au réseau EDF.
« Au départ, avec l’ADER nous avons mobilisé 15 éleveurs… Aujourd’hui, c’est près de 30 exploitations et deux collecteurs de déchets agro-alimentaires qui sont associés dans la société Élevage Énergie Environnement, porteuse du projet. Pour parfaire nos connaissances et aussi tester nos convictions, nous sommes partis rencontrer des éleveurs allemands et danois qui, de la même problématique, sont déjà devenus vendeurs d’énergie. ».
Mais le chemin est long entre les premiers audits individuels et la définition précise du projet, 6 années se sont écoulées. Aujourd’hui, on peut avancer la fiche signalétique suivante: 50% des lisiers de deux cantons seraient récupérés pour une production d’énergie de 10 millions de kwh c’est à dire la consommation de 3000 habitants. Un investissement de 8 millions d’euros et la création de 5 emplois.
« A priori nous pensions que tout le monde serait favorable au projet totalement dans le vent à l’heure du pacte écologique. Malgré le comité de pilotage avec tous les acteurs des villages, les efforts de communication et d’explication, le moment de l’enquête publique est difficile. Surtout les attaques injustifiées sur notre métier d’agriculteur, pollueur, source de tous les maux. »
Le dossier a bien avancé, il est maintenant sur le bureau du Préfet. Ils attendent avec impatience son feu vert pour l’autorisation d’exploiter et préparer le démarrage des travaux.
« Dans cette aventure, totalement associés et solidaires avec l’équipe de l’ADER, nous vivons au rythme des rencontres et des découvertes, celles du monde de l’innovation, celles de la politique, celles des rouages de l’administration, celles du marché de l’énergie, celles de notre image d’éleveur et de notre responsabilité sur le territoire. Mais ce qui est le plus important, c’est de vivre cette aventure à plusieurs, de parler aux autres de notre métier, de nos envies, de nos doutes et aussi de nos projets.C’est tout cela qui nous permet à la fois de dépasser nos tracas quotidiens et de croire que nous allons y arriver.
J’y retrouve un sens, un peu comme quand je fouille la terre de mon champ pensant à ceux qui déjà étaient là ,il y a … »